Blog des éditions

 

Bien versionner

15 mai 2024

Concernant l’organisation sur l’ordinateur, ou même l’organisation tout court, la question du versionnement est importante, capitale même. Vous savez, c’est ces petits “v.12” ou ces “version 7.15” qu’on ajoute en fin de fichier ou de dossier, ou sur la couverture de son manuscrit pour en connaitre le point de développement.

Ce versionnement est utilisé intensivement par les développeurs d’applications, mais permet aussi, pour n’importe quel autre type de projet et notamment un projet de publication, de pouvoir en suivre le développement en toute sérénité. Le versionnement permet de toujours savoir qu’on travaille bien sur la toute dernière version d’un document ou d’un dossier tout en gardant des traces des versions précédentes pour être en mesure, le cas échéant, de revenir en arrière ou de développer des branches d’essai.

Au même endroit

Avant de voir à quoi peut ressembler un bon numéro de version de développement, un numéro efficace, il est important de noter un point capital :

Toutes les versions doivent se trouver au même endroit pour que le versionnemment ait un sens. Si on commence à mettre une version dans tel dossier, une autre dans un dossier lointain et une autre encore sur le bureau, on ne s’en sortira jamais et l’on peut alors être sûr et certain d’une chose : de ne jamais être sûr de travailler sur le bon document ou dans le bon dossier…

Une première astuce : le plus simple, si vous ne voulez pas voir dans vos dossiers une liste encombrante de versions, placez un dossier “xAutres-versions” à l’endroit où vous conserverez la dernière version et glissez-y toutes les versions précédentes (note : le “x” en début de nom de fichier permet simplement de pousser ce dossier en bas de liste).

Voilà à quoi un dossier contenant une version de livre pourrait ressembler. Notez que pour prendre moins de place, on a compressé les dossiers des versions précédentes.

Ce qui donne un aspect très propre (simple) quand on travaille sur sa dernière version.

Sans dossier “xAutres-versions”, le contenu du dossier ressemblerait à ça, renvoyant la dernière version tout en bas, ce qui n’est pas très pratique (oui, bien sûr, on pourrait demander l’affichage par date, inversé, mais, entre nous, qui fait ça ?…)

Note : pour cet exemple, nous avons mis un petit “v” pour signifier “version”, mais dans la vie réelle nous supprimons systématiquement tout ce qui ne sert à rien, donc nous obtenons :

Bien ! Il est temps maintenant d’aborder la…

Forme du numéro de versionnement

Un numéro de versionnement efficace et parlant ressemble à cela :

3.12.78

Détaillons-le…

Il est constitué :

  • d’un premier nombre — ici le 3 — appelé numéro majeur de version,
  • d’un deuxième nombre — ici le 12 — appelé numéro mineur de version,
  • d’un troisième nombre — ici le 78 — appelé numéro de révision ou numéro de patch.
  • Voyons comment utiliser ces trois numéros, car le plus difficile est souvent de savoir lequel incrémenter (augmenter) et à quel moment.

    Le numéro majeur

    En matière de publication de livre, le numéro majeur pourrait être réservé au numéro d’édition du livre en question. La première édition/version prendrait le numéro 1, la deuxième le numéro 2, etc. De cette manière, d’un simple coup d’œil on sait sur quelle édition du livre on travaille.

    Une auteure ou un auteur travaillant son texte consacre plutôt ce numéro aux grands changements. Certains par exemple changent de numéro après chaque vague de lecture : pendant tout le développement initial, ce numéro reste à 1. Puis le manuscrit est donné à lire aux bêtalecteurs et lectrices. Une fois les retours recueillis, l’auteur(e) incrémente son numéro majeur de version et passe à 2 pour établir une nouvelle version enrichie des remarques de ces lecteurs et lectrices. Etc., etc.

    (on verra ci-dessous l’utilisation particulière de ce numéro pour une couverture)

    Le numéro mineur

    Comme son nom l’indique, le deuxième nombre concerne les changements moindres, mais importants tout de même.

    Pour la publication, ça peut correspondre à un numéro de chartre graphique. “1.1” désigne alors la première charte de la première version du livre, “1.2” désigne la deuxième charte de la première version du livre, “1.3” désigne une amélioration conséquente de la deuxième charte de la première version du livre, etc.

    Pour un auteur, ce numéro peut correspondre par exemple à l’ajout de chapitre, à l’ajout ou le retrait de personnage, à des changements importants d’objectif ou de décors, etc.

    On peut faire un usage différent de ce numéro mineur, pour une couverture par exemple, en l’utilisant comme numéro de piste. Dans ce cas, le numéro majeur concerne la version de la couverture, par exemple la 5e, et ce numéro mineur va définir plusieurs pistes de développement qui vont être travaillées en même temps, contrairement aux autres utilisations des numéros de versions que nous avons vues jusque-là, qui étaient successives. Par exemple :

  • la version 5.1 sera une tentative à dominante de bleu,
  • la version 5.2 sera une tentative à dominante de vert,
  • la version 5.3 sera une tentative à dominante de violet,
  • la version 5.4 sera une tentative expérimentale en noir et blanc.
  • Au bout d’un certain développement — nous le redisons : dans cette utilisation, les 4 versions sont développées de front, simultanément —, une dominante sera finalement choisie, par exemple la dominante violette et la couverture passera alors à la version majeure 6.

    Le numéro de révision

    C’est le troisième nombre et le numéro le plus simple à gérer puisqu’il obéit à une règle simple et inflexible :

    Le 3e numéro doit être incrémenté à chaque modification, même la plus infime.

    Le “même la plus infime”, ici, est capital. Il permet de ne jamais se demander, après une modification, s’il faut passer à un numéro suivant. Il FAUT passer au numéro suivant.

    Imaginons que le contenu mis en page en soit à sa version 5.3.69 et que l’auteure veuille ajouter une virgule — et seulement une virgule — dans le troisième chapitre. Hé bien dans ce cas, il est inutile de se demander “est-ce que ce changement minime vaut le coup d’une nouvelle version ?”. Non, même si la modification est insignifiante — elle ne l’est jamais pour l’auteure ! 😄 —, il convient de passer à la version 5.3.70.

    Tenir à jour un historique des modifications

    Une bonne habitude à prendre, surtout quand on travaille en équipe, est de garder un historique des modifications.

    Dans notre exemple de virgule, on ajouterait une ligne :

    De cette manière, si ce fichier est partagé sur le cloud de la maison d’édition, chaque membre de l’équipe peut connaitre les modifications effectuées et le numéro de la toute dernière version d’un dossier ou d’un fichier.

    Un nom humain

    Comme les chiffres ne sont pas toujours très parlants ni très appréciés de tout le monde, aux éditions Icare, nous aimons ajouter un nom humain, un mot, pour différencier les différentes versions majeures.

    Ce nom peut venir du contexte, des circonstances, de la collaboration exceptionnelle d’une personne, etc. Par exemple, si Virginie, une graphiste, rejoint l’équipe pour travailler sur une version particulière de la couverture — qui sera la quatrième —, on peut appeler la version majeure par son nom : “4 - Virginie”. Et l’on parlera de la "version Virginie" qui sera donc la version 4.

    Mais ce nom peut être beaucoup plus fantaisiste, sans véritable rapport avec le changement, par exemple “version 3 Rainbow” — un arc-en-ciel est apparu à l’éditeur en même temps que l’idée de publier le livre en couleur… —, ou “version 9 Der-de-der” — quand tout le monde espérait que ce soit la dernière version avant publication, ou encore “version 2 Café” — lorsqu’un café a été malencontreusement renversé sur un clavier au moment où la responsable des versions remplissait l’historique…

    C’est dans l’historique des versions que nous indiquons le nom humain de version :

    Deux numéros de version pour un livre

    Notons pour finir que concernant nos publications, nous travaillons toujours avec deux numéros de version distincts :

  • celui du contenu — le texte mis en forme,
  • celui de la couverture (contenant donc la première et la quatrième de couverture ainsi que le dos, comme nous l’expliquons dans cet article du blog.).
  • Ces deux versions se développent en parallèle, mais de façon indépendante, au gré des avancées de l’une et de l’autre, aucune n’étant assujettie à l’autre.

    C’est la raison pour laquelle, sur la quatrième de nos livres, vous trouverez souvent des numéros de version en deux parties :

    La première partie "4.1" concerne le contenu (on n’indique pas le numéro de révision pour ne pas être contraint de refaire la couverture au moindre changement…) et la seconde partie "3.5" concerne la version de couverture.

    Lorsqu’un lecteur ou une lectrice nous fait un retour sur un ouvrage, nous pouvons donc immédiatement savoir de quelle version il s’agit.

    Un système de versionnement puissant

    Pour les auteurs et les éditeurs qui seraient intéressés par un système de versionnement encore plus puissant, ne nécessitant aucun changement de numéro et permettant un travail intense en collaboration, nous présenterons dans un prochain article l’utilisation d’un programme en ligne de commande comme git, fantastique outil développé par Linus Benedict Torvalds, génial inventeur du noyau Linux (à 21 ans).

    Et vous ?

    Comment versionnez-vous vos ouvrages ? Nous serions heureux de l’apprendre et de l’ajouter ici pour un partage plus complet. Alors n’hésitez pas à nous faire part de votre méthode. 😃👍

    Crédit photo couverture : Uderzo (& Phil)