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Entretien avec… Camille Besse

01 mai 2024

Bonjour Camille Besse. Avant de commencer, préférez-vous que je parle de vous comme “auteure” — avec un “e” — ou comme “autrice” ?

Camille Besse (CB) : Faites comme vous le sentez. Mais “auteure” avec un “e” me va très bien. “Autrice” me fait trop penser à “Autiste”… [rires]

Vous êtes donc l’auteure de la série PASSÉ SOUS SILENCE dont le premier volume, UN AMOUR FOU, vient de sortir aux éditions Icare. Pourquoi une série sur la psychogénéalogie ?

CB : La question pertinente qu’on pourrait se poser, ce serait plutôt “Pourquoi n’y a-t-il jamais eu de série sur ce sujet avant ?” C’est un thème tellement passionnant, qui regorge de récits tellement poignants, prenants, profondément humains et proches de nous. Rares sont les personnes qui ne sont pas concernées directement ou indirectement par la psychogénéalogie, donc par le thème principal de cette série ! C’est un thème qui touche aussi à la mort, donc à la vie, où les conflits sont nombreux et d’une diversité folle. Oui, vraiment tous les ingrédients qu’on aime trouver dans les récits et dont on peut tirer mille-et-une histoires !

Avant d’aller plus avant, pourriez-vous définir ce que c’est, la psychogénéalogie, pour des lecteurs qui n’en auraient jamais entendu parler ?

CB : Ça existe ? [rires] C’est… [Camille Besse réfléchit]… une forme de thérapie — pas encore reconnue à 100 %, c’est vrai —, qui prend en compte l’influence des ascendants — les ancêtres, etc. —, sur les pathologies psychologiques ou psychiques d’un homme, d’une femme. Pour faire simple, c’est une forme de thérapie qui tient compte du fait que nos parents, nos grands-parents, nos arrière-grands-parents etc., peuvent avoir une influence directe — on dit “transgénérationnelle” — sur nos comportements d’aujourd’hui, sur ce qu’on est aujourd’hui et ce qu’on ressent… Et, bien sûr, sur les choix et les problèmes parfois incompréhensibles qu’on peut rencontrer dans sa vie, dans son quotidien.

Vous auriez des exemples ?

CB : Oh oui ! Il y a les exemples bien connus, comme les suicides à des dates anniversaires, ou tout ce qui concerne les secrets de famille, les non-dits, qui vont entrainer des troubles dans la descendance. De manière générale, les victimes, entre guillemets, sont souvent des gens qui reproduisent sans le savoir des comportements, toxiques pour eux, d’ancêtres dont ils n’ont parfois jamais entendu parler. Par exemple, très concrètement, ça peut être des personnes d’une même lignée qui font tout pour échouer lorsqu’ils rencontrent le succès. Ou, comme dans ce premier roman, une jeune femme qui saborde toutes ses histoires d’amour, dès qu’elles deviennent sérieuses, sans comprendre pourquoi. Alors qu’elle n’a aucune peur de s’engager.

Dites-moi, ce sont des sujets plutôt lourds…

CB : C’est vrai… L’héritage des familles peut être très lourd. Mais ça n’est pas plus lourd que la mort dans les polars après tout ! Et à la différence des polars, dans cette série, l’issue est toujours heureuse, les personnes parviennent à s’extirper de leur histoire familiale, à trouver le bonheur. En ressuscitant le passé, on redonne la vie. C’est un parti-pris que certains ou certaines pourront critiquer, parce que c’est loin d’être toujours le cas dans la vraie vie, mais c’est le point de vue que je voulais adopter.

D’où le ton choisi, notamment pour le caractère de France Lombard, votre héroïne principale ?

CB : Tout à fait. Je voulais que la série reste légère malgré tout, qu’il y ait en tout cas un contrepoint marqué entre d’un côté les histoires tragiques traitées, des drames très sombres parfois, et le tempérament de la psychologue. Je crois que ça donne le relief que je cherchais. J’attends les premiers avis avec angoisse, pour savoir si j’ai réussi [grimace tordue]. J’espère qu’on ne pensera pas que France prend les choses à la légère, ça n’est pas ça… Elle garde juste une certaine distance, tout en s’impliquant à fond dans l’histoire de son patient ou de sa patiente — en s’impliquant bien plus que ne le ferait une vraie psychologue dans la vraie vie… Mais surtout, pour ne rien vous cacher, c’est l’enquête qui la passionne, l’enquête sur les familles, découvrir tous ces destins, ces individus si différents, dans une même lignée. Elle adore ça, elle aime profondément l’humanité, finalement.

Comme vous ?

CB : [rires] Je ne suis pas certaine… J’ai une vision peut-être plus… comment dire ?… plus réservée que mon personnage, sur les hommes. Mais je pense qu’une fiction doit rester un bon moment, quel que soit le sujet, et doit nous faire découvrir des gens attachants et captivants — je ne sais pas pour le lecteur, mais pour moi, ils le sont. En fait, je dois confier que lorsque j’écris, j’ai une vision très utopiste de l’humanité [rires].

Et à titre personnel, ça serait indiscret de vous demander en quoi vous vous sentez concernée par ce sujet ?

CB : [Camille Besse prend le temps de réfléchir] Ça me gêne un peu de répondre… C’est très personnel… Disons que je me retrouve beaucoup dans la quête récurrente — le fil rouge de la série — la quête que mène France Lombard à titre personnel, au fil de la série, à propos de sa mère — j’espère que je ne spoile pas trop… [rire]

Abordons un autre aspect alors… Quelle est la part de documentation, dans ces ouvrages ?

CB : C’est extrêmement documenté. Je tiens à ce que le lecteur ait une vraie connaissance de cette pratique, après la lecture de la série. Dès ce premier épisode, c’est une figure incontournable de la psychogénéalogie [Anne Ancelin Schützenberger. NdR] qui en donne le gout à France, à un moment où elle se cherche beaucoup. Et pendant la conception et toute la phase de rédaction, qui continue, j’étais et je suis en contact avec des professionnels de la profession comme on dit. Des psychogénéalogistes qui me font part de leur expérience. Évidemment sans livrer aucune information sur leurs patients — qui sont d’ailleurs souvent des patientes.

Les livres de la série ne s’inspirent pas d’histoires vraies ?

CB : Non, pas du tout. Je sens votre déception [rires]. Ce sont des fictions pures. J’ai du mal avec le label “tiré d’une histoire vraie” très utilisé en ce moment… Comme si les auteurs — et les… autrices… — avaient une sorte de déficience en crédibilité, en vraisemblance, et pouvaient régler cet écueil d’un coup d’étiquette magique… Je préfère quand la crédibilité vient du fond du récit, de l’écriture.

N’avez-vous pas peur, parfois, de vous écarter trop de la pratique réelle de la psychologie ?

CB : Oui… j’ai un peu peur. Mais c’est pour la bonne cause ! [rires]. Je sais qu’il y a d’excellentes séries qui fonctionnent avec juste un canapé, mais je voulais quelque chose qui bouge plus. J’ai donc construit un personnage qui n’aime rien tant que sortir de son bureau. Quelque chose qui ressemble plus à des enquêtes policières d’aujourd’hui.

D’où ce traitement…

CB : tout à fait, je m’en inspire beaucoup. Je crois que c’est un bon moyen de faire de ce travail psychogénéalogique une vraie démarche active. Mais contrairement aux polars, qui reposent quelquefois seulement sur le “qui l’a fait ?”, “qui a tué ?”, ici, chaque découverte au fil de la remontée dans le passé, chaque individu est intéressant en lui-même ou en elle-même.

Quels seront les thèmes des prochains épisodes ?…

CB : Ça parlera toujours de psychogénéalogie bien sûr, mais je ne peux pas vous en dire plus, je suis un peu superstitieuse concernant les projets… Tant qu’ils ne sont pas aboutis, je ne préfère rien en dire. [sourire]

Alors il nous reste à espérer que vous viendrez nous en parler dès qu’on pourra les lire !

CB : Avec grand plaisir ! Merci d’avance à vous !

Crédit photo couverture : Copilot & Phil